La pratique scandinave du death cleaning, ou « nettoyage de la mort », n’est pas un rituel macabre, mais une façon d’alléger sa vie avant qu’il ne soit trop tard. Née en Suède grâce au livre de Margareta Magnusson, elle invite à se débarrasser du superflu pour laisser de l’ordre et de la sérénité à soi-même et à ses proches. Une philosophie qui allie conscience, minimalisme et affection, transformant le désencombrement en un geste d’amour et de lucidité.

Dans le monde hyper-accumulatif dans lequel nous vivons, où chaque objet semble chargé de souvenirs et de significations, une philosophie venue d’Europe du Nord invite à faire le contraire : lâcher prise. Elle s’appelle dødsrydning en danois, döstädning en suédois, et en anglais, elle est connue sous le nom de death cleaning. À première vue, le nom semble sinistre, presque morbide, mais la réalité est beaucoup plus humaine et lumineuse : il s’agit d’une méthode pour faire de la place dans la maison et dans la tête avant que la vie ne l’impose.
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De Stockholm au monde entier : l’idée de Margareta Magnusson
Le terme a explosé en 2017 avec le livre The Gentle Art of Swedish Death Cleaning de l’auteure suédoise Magnusson, devenu un best-seller du New York Times. Magnusson, avec ironie et légèreté, invitait les personnes de plus de soixante-cinq ans à se débarrasser progressivement des objets superflus accumulés au cours d’une vie, non pas par manie de l’ordre, mais pour ne pas laisser à leurs proches un fardeau de chaos et de souvenirs difficiles à gérer. Elle-même affirmait qu’« il n’est pas nécessaire d’attendre la vieillesse », on peut commencer tout de suite et le sentiment de légèreté viendra de toute façon.
La presse internationale a immédiatement saisi la valeur presque thérapeutique de cette pratique : par exemple, dans un article de Psychology Today, on peut lire que cette pratique « réduit au moins un peu le fardeau émotionnel dont héritent les familles lorsqu’un être cher décède ».
Un héritage de légèreté, pas de désordre
Selon Magnusson et les articles spécialisés, le « death cleaning » n’a rien de funèbre. C’est un geste d’amour envers ceux qui resteront après nous : une façon de laisser en héritage un environnement ordonné et gérable, plutôt que des montagnes de cartons et de documents.
C’est aussi, selon plusieurs auteurs, une forme de liberté personnelle. Revoir les objets que nous avons conservés pendant des décennies, c’est regarder en face nos attachements, nos priorités et ce qui vaut vraiment la peine d’être conservé. Il ne s’agit pas, comme c’est souvent le cas dans le minimalisme occidental, de tout vider et de vivre avec quatre tasses et deux chemises. Le but est d’avoir seulement ce dont on a besoin et ce qui nous fait du bien.
Comment cela fonctionne-t-il réellement ?
Les témoignages indiquent que cette pratique n’est pas une course contre la montre. On commence par un point précis : une pièce, un tiroir, un grenier. L’important est de commencer par ce qui a le moins de valeur sentimentale : de vieux services de vaisselle, des équipements sportifs, des vêtements oubliés. Les objets les plus chargés de souvenirs — photos, lettres, souvenirs — viennent après, lorsque l’on est prêt.
Au Danemark et en Suède, cette pratique est tellement intégrée que beaucoup la vivent comme un rite de passage, presque une préparation à la vieillesse consciente. Certains articles internationaux l’associeraient également à une approche plus écologique de la vie : se débarrasser du superflu pour réduire l’impact environnemental.
Un ordre qui libère l’esprit
« Mettre de l’ordre dans ses affaires, c’est une façon de mettre de l’ordre dans sa vie », écrit Psychology Today. Cette phrase résume l’essence de cette philosophie : il ne s’agit pas seulement des tiroirs, mais aussi de la tête. Moins d’objets signifie moins de distractions, moins d’anxiété, plus de contrôle et, d’une certaine manière, plus d’espace pour vivre.
Parallèlement, de nombreux experts en droit patrimonial et en planification successorale soulignent ce lien. Même s’il ne s’agit pas d’une « couverture complète » du testament ou de la police d’assurance-vie, le death cleaning peut s’intégrer parfaitement au concept de planification successorale : mettre de l’ordre dans ses documents, ses volontés, ses investissements. Certains utilisateurs racontent qu’ils ressentent une nouvelle sérénité lorsqu’ils savent que « tout est en ordre ».
Tout le monde ne voit pas cela d’un œil aussi poétique. Certains, comme dans un article du Deseret News, trouvent le terme « death cleaning » trop sombre, presque anxiogène, et estiment que cette philosophie est plus facile à mettre en pratique dans les pays nordiques où la relation avec la mort est culturellement plus ouverte.
Dans les cultures plus méditerranéennes, où les souvenirs physiques (objets, photos, souvenirs) ont une énorme valeur affective, jeter un objet peut sembler être une trahison. C’est une réflexion utile : la pratique doit peut-être être adaptée plutôt que copiée à la lettre.
Mieux vivre, pas seulement bien mourir
En fin de compte, l’essence du death cleaning n’est pas de se préparer à la fin, mais de vivre plus pleinement. N’attendez pas la retraite, la maladie ou un déménagement pour décider de ce qui compte vraiment. Ouvrir un placard et ne voir que ce qui vous fait du bien n’est pas une lubie esthétique : c’est un acte d’équilibre mental.
Comme le dit Magnusson : « Après avoir fait le tri, il ne vous reste que ce que vous aimez — et à ce moment-là, tout ce que vous aimez a plus de valeur ». Cette phrase résume bien le sens : moins de choses, plus de vie.