Inspiré par la nature, le concept d’oubaitori nous invite à cesser de nous comparer aux autres, en acceptant que chacun s’épanouisse à son propre rythme.

Vous êtes-vous déjà senti en retard dans la vie ? Avez-vous déjà regardé les autres en pensant que vous étiez à la traîne, comme si vous perdiez du temps ou des opportunités ? Si la réponse est oui, le Japon a un concept ancien mais extraordinairement actuel qui pourrait changer votre perspective : oubaitori. Quatre fleurs, quatre arbres, quatre moments différents pour s’épanouir. Pas de compétition, pas de comparaison. Seulement l’unicité, l’acceptation, l’authenticité.
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Oubaitori : le mot japonais qui brise la logique de la comparaison
Oubaitori (桜梅桃李) est un mot composé de quatre idéogrammes, chacun représentant un arbre en fleurs : sakura (cerisier), ume (prunier), momo (pêcher) et ri (abricotier). Tous fleurissent au printemps, mais à des moments différents, avec des couleurs, des formes et des parfums différents. Aucun ne se précipite pour dépasser l’autre, aucun ne se juge pour avoir fleuri avant ou après. Et pourtant, tous embellissent le paysage.
En cela, oubaitori nous rappelle que chaque personne est comme l’une de ces fleurs : elle a son rythme, sa saison, son parcours. Et il n’y a rien de mal à ne pas être encore arrivé là où d’autres semblent déjà être.
Dans la culture japonaise, ce mot est utilisé pour exprimer le respect du rythme naturel des personnes. C’est une invitation à ne pas se juger pour ce que l’on n’a pas encore accompli, à ne pas vivre dans la précipitation et à reconnaître la valeur de sa propre histoire, même lorsqu’elle ne correspond pas aux attentes de la société.
Quand le jugement vient de ceux qui vous aiment (ou de vous-même)
Cela vous est sûrement déjà arrivé au moins une fois dans votre vie : un dîner de Noël, une conversation à table, la question classique et gênante posée par un parent que vous ne voyez qu’une fois par an :
« Et ton petit ami/ta petite amie ? »
« Et ton diplôme/ton travail ? »
« Quand vas-tu enfin fonder une famille ? »
La comparaison est souvent masquée par l’affection ou l’inquiétude. Mais le sous-entendu est clair : tu es en retard, tu fais quelque chose de mal, les autres ont réussi et pas toi. Cette tante, symbolique ou réelle, finit par représenter la voix qui juge et qui vit en chacun de nous. Une voix alimentée également par ce que nous voyons chaque jour sur les réseaux sociaux : des vies parfaites, des couples heureux, des objectifs atteints en un temps record.
Mais la vérité est tout autre : cette voix ment souvent. Elle ment quand elle te dit que le bonheur a une date d’expiration. Elle ment quand elle te fait croire que ta valeur dépend d’une liste d’objectifs à atteindre avant l’âge de trente ans. Et elle ment quand elle te fait sentir comme un échec simplement parce que ton épanouissement arrive plus tard.
Le retard n’est qu’une autre forme d’épanouissement
Nous vivons dans un système qui nous enseigne dès notre plus jeune âge qu’il existe un âge approprié pour tout : obtenir son diplôme à 23 ans, travailler avant 25 ans, se marier avant 30 ans, avoir des enfants avant 35 ans. Tout écart par rapport à ce « calendrier » est considéré comme un échec. Pourtant, la vie réelle est bien plus complexe.
« Si je n’ai pas encore de relation sérieuse, suis-je anormal ? »
« Si je n’ai pas d’enfant à 40 ans, ai-je gaspillé mon temps ? »
« Si je change de carrière à 50 ans, ai-je échoué ? »
La réponse est non. Prenons l’exemple d’Andrea Camilleri, qui a publié son premier best-seller à 70 ans. Ou encore de nombreuses personnes qui, après avoir passé la première partie de leur vie à satisfaire les attentes extérieures, trouvent seulement à un âge mûr la force de vraiment suivre leur voie.
La science le confirme également : ceux qui se marient tard ont souvent une meilleure conscience de soi, des relations plus stables et moins conditionnées par les pressions sociales. L’important n’est pas quand on fait les choses, mais à quel point elles sont authentiques et en accord avec qui nous sommes.
La comparaison nous empoisonne
Selon une étude menée par Florida House Experience, 27 % des femmes se comparent quotidiennement aux autres. Et chez les adolescentes, ce pourcentage atteint 88 %. Les réseaux sociaux jouent un rôle énorme : Instagram et TikTok montrent des vies construites, hyper-éditées, idéalisées. Pourtant, le cerveau les interprète comme des réalités.
La comparaison ne s’arrête toutefois pas au corps. Elle empoisonne également nos choix de vie, nos ambitions professionnelles, le temps consacré aux relations. Dans un tel contexte, l’oubaitori devient un véritable antidote culturel : il nous ramène à la nature, où aucune fleur ne s’excuse de fleurir tard et où aucun arbre n’essaie d’imiter un autre pour être accepté.
Vivre selon l’oubaitori
Adopter le principe de l’oubaitori dans la vie quotidienne ne signifie pas déménager dans un temple zen. Il s’agit de petites pratiques, simples mais transformatrices :
- Tenir un journal de gratitude : se concentrer sur ce qui fonctionne déjà, plutôt que de courir après ce qui manque.
- Prendre soin de son environnement numérique : mettre en sourdine les comptes sociaux qui déclenchent des comparaisons toxiques.
- Modifier son langage intérieur : cesser de se rabaisser et commencer à se parler avec respect.
- Vivre la solitude comme une ressource, et non comme un échec : un espace fertile où se reconnecter avec soi-même.
Et surtout, se rappeler chaque jour qu’il n’y a pas de « bon » moment pour s’épanouir. Votre moment, c’est quand vous êtes prêt. Et il ne doit pas nécessairement coïncider avec celui des autres.